jeudi 11 décembre 2008

la neige efface tout

Elle s’était habillée avec soin, elle avait rendez-vous avec elle et elle voulait se faire bonne impression. Elle était un peu intimidée au fond. C’est comme si elle se regardait pour la première fois. Avant de fermer la porte de chez elle, elle scruta le miroir une dernière fois. C’était une femme plus très jeune, ses paupières en tombant, masquait l’éclat de son regard. Elle avait beau faire, elle avait beau dire, le temps jouait contre elle. Fini le temps de l’innocence. Chaque jour creusait davantage son visage mais ce matin-là, parce qu’elle avait mis du fard, du mascara et un peu de rouge aussi, elle était assez satisfaite de son petit effet. Peut-être même que ces artifices lui donnaient une expression de jeune fille.
Elle vérifia plusieurs fois l’adresse, le numéro et le code de l’immeuble sur le bout de papier sur lequel elle avait tout noté. Elle reprit plusieurs fois le papier dans sa poche pour vérifier l’étage. Elle franchit la porte, le coeur battant, comme une jeune fille pour un rendez-vous galant. Elle monta doucement les escaliers, elle ne voulait pas arriver tout essoufflée. Elle monta encore, c’était au quatrième étage. Elle sortit un miroir de poche et effaça une trace de noir sur sa paupière. Elle était devant la bonne porte. Elle attendit d’avoir complètement retrouver son souffle pour sonner. La porte s’ouvrit et une voix métallique la pria d’entrer dans la salle d’attente qui se trouvait sur sa gauche. C’était une pièce un peu vide, un peu froide : deux sièges usés à côté de la fenêtre, une petite table et des vieux magazines. Elle choisit le siège le plus près de la fenêtre, prit un magazine pour faire bonne contenance, incapable d’en lire une ligne. Elle attendait mais ne savait pas encore ce qui l’attendait. Elle s’attendait au pire. Elle ne se débarrasserait pas comme ça du poids qui l’avait mené jusque-là. Elle aurait pu encore partir, elle aurait pu décider à ce moment-là de ne rien dire. Mais elle s’en tiendrait à ce qu’elle avait décidé. Elle ne reculerait pas. Elle accepterait ce face à face quand bien même il lui renverrait la plus pénible image. Elle ne pouvait plus affronter son image justement, elle en avait pris conscience tout récemment.
Sur le mur d’en face, il y avait un étrange tableau à la fois très doux et très dense. De gros flocons bleus brouillaient le paysage, de grosses taches plus sombres dans le bas du tableau. Ses pensées tourbillonnaient comme cette neige. Il y avait quelque chose de pur, d’enfantin, quelque chose de magique, poussière d’étoile et rêves de Noël. Il y avait aussi quelque chose de grave, de confus, de sombre. Comme elle, ces tâches de couleur livraient le meilleur et le pire dans une confusion extrême. La porte en s’ouvrant la sortit de ses rêveries
“Madame de Lestrange, c’est à vous”. Le cabinet n’était pas très grand, couvert de livres sur les quatre murs. La pâle lumière de l’hiver éclairait faiblement les lieux. Le sol craquait un peu. Par un geste de la main, il lui indiqua la place qu’elle devait occuper.
Elle adopta le divan comme nouveau moyen de transport. Intimidée encore, elle ne savait pas très bien par où commencer ce grand voyage. Elle parla d’abord du tableau, de l’impression qu’il avait fait sur elle, de cette neige, de cette tâche, de ces tâches, reprit-elle. Il lui semblait que ce tableau devait l’emmener là où était le poids. C’était plus facile de partir de là, de ce paysage d’hiver qui la glaçait jusqu’aux os, de cette neige qui étouffait les bruits, de ce silence qui avait réjenté sa vie. Elle parla longtemps de la neige, du blanc immaculé de ce paysage lointain. Elle était déjà loin du tableau de la salle d’attente. Elle était au seuil de son histoire. Elle ignorait encore qu’elle cherchait là des draps plus purs où coucher ses souvenirs.

mardi 25 novembre 2008

viré

viré, quand je pense, quinze ans que je trime dans cette boite comme un con. viré, je suis viré. mais comment je vais lui dire, non pas moi, elle ne peut pas entendre ça, je ne peux pas lui dire ça, elle ne le supporterait pas. quinze ans que je rentre tard tous les soirs, jamais avant dix heures, que je travaille comme une brute, tous les jours, tous les samedis, tous les dimanches. quinze ans qu'elle accepte cette vie là, parce qu'il faut bien vivre. Mais comment je n'ai rien vu venir, mais comment ils peuvent me faire ça. non, je rêve, je vais me réveiller, c'est un mauvais rêve, un cauchemar, je suis dans ma chambre, il fait nuit, il fait froid, novembre, viré un 2 novembre, fête des morts, mais ils veulent ma mort, elle ne supportera pas ça, toutes ces années de sacrifice, tout ce temps volé, elle préférerait me voir mort. Sans ce job, je ne suis plus rien, je ne vaux plus rien, ils étaient bien contents de trouver un pigeon, qui accepte de s'enterrer dans une banlieue sordide de Manchester. ils ont bien tiré sur la corde Et là, rideau, terminé, sans explication, condamné, jeté, fini, terminé, autant se pendre, ne pas lui dire, non pas tout de suite, ne pas lui dire ce soir, faire comme si, faire comme ça tous le soirs, attendre jusqu'à dix heures pour rentrer. Ca fait deux heures que je tourne autour du pot, deux heures que je grille cigarettes sur cigarettes. Ce soir ça va mais demain, après-demain, qu'est-ce que je vais faire. Il faudra bien qu'elle sache, il faudra payer les traites, il faudra vivre autrement, il faudra trouver autre chose. Elle est si fragile, mais ici je ne trouverais jamais rien, il faudra déménager, il faudra rentrer en France, pas ce soir, je n'ai pas le courage, pas de scène, pas de larmes, pas la force d'entendre ses jérémiades, de la consoler. Et s’ils s’en mordaient les doigts, s’ils changeait d’avis, si je me réveillais là, tout de suite. Il est huit heures, nous sommes le 2 novembre, ma lettre de licenciement me parviendra dans quelques jours, mais si elle tombait dessus. ah non il faut pas qu’elle la voit, pas avant, pas encore, non pas ce soir... Ailleurs, j’aurais pu aller prendre un verre, quelque part, croiser un copain, noyer mon chagrin, n’importe où ailleurs, un soir comme ça, on se serait saouler la gueule, mais ici dans cette banlieue toute en briques sombres, rien n’a été fait pour soulager la misère du monde, rien, chacun rentre chez soi, la voiture au garage, entre par l’escalier de la cave, embrasse Bobonne et s’enfonce dans son fauteuil, son journal et sa petite vie bien organisée. Rien pas de réverbère, pas de boutique, pas de restaurant, pas de troquet, pas de pub : des pavillons, les uns contre les autres, des arbres sans feuilles, deux ou trois immeubles de bureau qui s’éteignent chaque soir à la même heures, Comment ai-je pu être aussi CON, comment ai-je pu vivre ça comme ça, sans broncher Quinze ans, elle dans son pavillon de briques, à briquer toute la journée, à m’attendre toute la sainte journée et moi dans ce bureau, à manier des chiffres toute la journée, des chiffres plein la tête, la tête lourde, pleine de chiffres, des chiffres qui remplissent ma vie, il n’y a plus que des chiffres dans ma putain de vie, même la nuit, je cours après les chiffres, les chiffres courent dans ma tête. Ca cogne, ça résonne, ça chavire, et puis tout s’effondre. Tout. Ca tenait à un fil, un fil invisible, un fil virtuel, On est en plein délire, Tout ça n’est que fumée, une immense fumisterie, une grande comédie, du vent, du bruit, des arguments bidons, des chiffres colossaux, faramineux, incroyables, des chiffres aléatoires, magiques, des sommes pharaoniques, on y croit, on en rêve, et puis pffffut... tout s’effrondre comme un chateau de carte. Tant pis pour les rêveurs, les trimeurs, les bosseurs, il faut sauver le fric qui reste, tant pis pour les habitudes, les confortables petites habitudes, il fallait se méfier, voir le vent venir, il fallait se tirer, pendant qu’il était encore temps, et moi pauvre CON, je vais rentrer dans mon p’tit pavillon, piteux, pittoyable, lamentable. J’vais me jeter sur la bouteille de scotch. Elle va bien voir qu’ y a que’que chose qu’y va pas, elle voit tout, elle sent tout, elle me reproche assez de puer le tabac, elle a peur, peur que j’creve, “tu fumes trop, j’te dis, tu vas te rendre malade. peur d’être seule, elle parle presque plus, à force d’attendre, elle a pris l’habitude d’être seule et d’etre silencieuse. elle a peur de sa voix, elle a peur de la mienne, elle a peur me perdre, elle a peur de tout, même d’elle même, elle se sent perdue, elle s’est perdue depuis longtemps, dans ses rêves, dans son monde et elle frotte, elle brique, elle mitonne, elle ronronne comme un vieux chat, elle tourne en rond dans sa cuisine, elle est pas si malheureuse qui sait, elle rêve encore, elle. Mais moi, c’est fini pour moi le rêve, c’est foutu, comment lui dire, comment rester là, à coté d’elle sans rien dire, je lui dirai demain, ou dimanche, ouai c’est bien dimanche, c’est toujours triste le dimanche, c’est toujours un peu plus triste que les aut’es jours, la nuit tôt dans les arbres sans feuilles, le vent qui s’engouffre, la pluie contre les vitres, y a qu’le dimanche où on a le temps de sentir tout ça, ouai dimanche, c’est bien dimanche, je lui dirai dimanche.

toujours là

Je t'ai perdu, tu es parti, bien trop tôt, bien trop jeune
Tu es parti, j'ai perdu, une part de moi, un pan de vie
Je suis un peu perdue, toi parti , mais la vie continue
Toi parti, j'ai perdu tes mots, ton rire, ton réconfort
Toi parti, j'ai perdu jusqu'au son de ta voix
Je suis un peu perdue sans toi, mais j'ai grandi
Tu es parti mais tu es toujours jeune, gai et fort dans mon esprit
Tu es perdu dans les brumes de la mémoire
Tu te perds dans des temps joyeux et flous de l'enfance
Je te perds toi comme tu étais et je gagne ta force, ta joie
Tu es parti il y a si longtemps maintenant,
je suis presque plus vieille que toi et je te ressemble
Tu es parti et tu es toujours là

mercredi 12 novembre 2008

moi seule sait


Moi seule sait à qui appartiennent ces pieds, moi seule sait que ce jour là, on était bien, on était tous les deux, il faisait doux, il faisait bon, c'était une petite escapade en amoureux. Remarquez, vous, vous savez, vous vous doutez du moins, à cette posture décontractée, à cette nonchalance, qu'on est en vacances, en week-end, loin des conventionnels costumes-cravates, d'ailleurs il ne met jamais de cravate, pas beaucoup plus de costume, ça vous ne le savez pas. Il n'aime pas les conventions, enfin celles-ci, celles qui vous serrent le kiki, qui vous rendent étriqué, qui vous empêchent de bouger. Il est beau pourtant en costume sombre mais il ne sait pas porter un costume sans se raidir. Est-ce par manque d'habitude, est-ce parce que c'est associé définitivement chez lui à une posture qu'il exècre. Il suffirait d'un rien pourtant pour rester décontracté dans une laine froide et anthracite, il suffirait de garder la même pose, la même élégance naturelle que celle-là. On était à une terrasse de café, il s'était légèrement enfoncé sur son siège, il avait fermé les yeux. Il était encore tôt, il y avait peu de monde autour de nous, personne sur la plage "je ferais bien du surf cet après-midi". J'écrivais quelques cartes postales. Il y avait longtemps qu'on n'était pas parti. Il y avait longtemps qu'on n'avait pas pris de vacances. Les yeux fermés, les vagues qui se brisent, la main dans la sienne, on est bien. Pieds nus, premiers beaux jours, je n'avais pas remarqué que son jean était usé. Il aime les belles matières mais il les use jusqu'à la trame. J'aime quand la toile à force d'avoir été lavée est douce, presque duveteuse. J'aime mettre ma main juste au dessus de son genou, toucher, caresser cette peau de pêche, dans le sens de la trame. J'aime quand il est comme ça, quand il oublie tout, quand il se sent en vacances, quand il retrouve un sourire d'enfant, une insouciance, une légèreté, une joie à vivre. Ses pieds sont encore tout blancs, nous ne sommes arrivés que la veille, la veille il faisait gris, la veille à Paris c'était l'hiver. Ses pieds sont minces comme ses mains, ils sont longs et nerveux. Il a de belles mains de pianistes, j'entends des notes de musique sur les vagues, j'entends ses morceaux favoris, j'aime quand il joue, j'aime l'écouter quand j'écris, les hésitations cassent le rythme, la phrase devient plus chaotique, ses mains qui s'agitent à nouveau et le texte retrouve sa fluidité. J'aime cet unisson, cette harmonie entre nous, cette consonance, cet accord tacite. Je suis habillée dans des tons de bruns et de gris aussi ce jour-là, nous avons pris sans le savoir les couleurs de la mer, nous déclinons les gris à l'infini, nous respirons un peu plus fort, nous savourons l'instant.

lundi 3 novembre 2008

et maintenant

et maintenant, je voyais les choses avec une précision redoutable. Tout était déjà là, inscrit dans ce bleu limpide. Tout était sur l’image. C’était l’hiver dernier. Elle était descendue sur la plage. Seule sur la plage presque déserte, elle courrait, magnifique dans ce matin trop calme, magnifique dans son jean bleu et son pull irlandais. Ca lui allait bien le jean. Elle avait maigri, elle était encore plus mince. Elle était gaie. Elle était belle. J’aimais son rire, j’aimais sa joie. Je la regardais de la fenètre de notre chambre d’hôtel. La lumière était douce, un peu jaune. J’avais eu envie de rester un peu au lit. Elle avait pris soin de ne pas me réveiller. Elle m’avait juste chuchoter un mot doux à l’oreille avant de s’éclipser. Quelques instants plus tard, je l’ai rejoint sur la plage, elle avait un livre à la main. Il était si mouillé qu’il était difficile d’en distinguer le titre, d’en décoller les pages. Elle semblait pourtant bien décidée à ne pas se séparer de sa trouvaille. Elle avait demandé à un inconnu de nous prendre en photo. Nous n’avions pas remarqué alors qu’il y avait quelqu’un qui marchait derrière nous. Elle voulait une photo pour arrêter le temps.
Tout était sur l’image, son angoisse des jours à venir, son teint trop pâle, ses yeux immensément gris, le livre, son rire, ses joues amaigries. Elle savait mais elle n’avait rien dit, elle craignait que je n’ai pas son courage, que je cesse de rire, de courir. Elle savait mais elle voulait m’offrir les plus beaux souvenirs.
Elle était magnifique ce soir là, tout en noir. Le vent et le champagne avaient mis un peu de couleur sur ses joues. Plus tard sur la table de nuit, j’ai vu clairement sur le livre mouillé “les jours sans moi” en lettres capitales et je comprends seulement maintenant combien les mots pesaient lourds dans sa tête. Maintenant seulement, seul avec cette image, seul avec ce souvenir qu’elle avait fabriqué entièrement.
Je suis anéanti, sonné, abasourdi, complètement dans le cirage. Un matin, elle s’est évanouïe. Sur son lit d’hopital, elle m’a dit avec une douceur et une force incroyables “N’aie pas peur. Le plus important pour moi, c’est de t’avoir aimé, le plus important pour toi, c’est d’aimer encore”

dimanche 28 septembre 2008

portrait à multiples facettes

Un silence presque religieux régnait dans l'atelier. L'odeur de térébenthine, comme celle de l'encens, conférait au lieu quelque chose de sacré. J'entrais tout doucement. J'avais promis d'être sage. Je me faufilais comme un chat jusqu'à son chevalet et là, je grimpais sur un tabouret pour m'asseoir sur la table qui était derrière lui. Bon poste d'observation, des heures sans bouger, sans dire un mot, pour ne pas manquer le moment, l'instant où d'un fond de couleurs éparses et confuses, sortirait clairement les traits d'un visage familier, les traits clairs et calmes de ma mère, toujours les mêmes et toujours différents.
Et chaque fois de ces couleurs si chaudes certains soirs de septembre et si bleues l'hiver, dans ces effets de feu ou de glace, je croyais voir surgir quelqu'un d'autre mais chaque fois, c'est elle que je reconnaissais, à la courbe de ses yeux, à l'inclinaison de sa tête. Puis, son visage clair et bleu se chargeait de noir, comme si la colère ou la peine l'avait fait changer d'humeur et je regrettais longtemps qu'il n'ait pas garder sa douceur. Je me retenais de dire "stop, non arrête, elle est jolie comme çà".
Chaque fois, il creusait ça et là une empreinte de la vie, une trace, une ombre et le noir en s'épaississant finissait par effacer les traits de ma mère.
Chaque fois, j'étais étonnée de l'avoir vue, elle, c'était bien elle, là où elle n'était plus; et de voir à sa place, un étranger, une étrangère, un visage inconnu.

lundi 1 septembre 2008

fin août début septembre

Quand j'ai choisi "fin août début septembre" comme sujet, j'avais bien en tête le titre du film, un joli titre, mais pas son histoire. J'avais en tête cette brève période de l'année où l'été n'en finit pas d'en finir, cette période bénie où les enfants commencent à s'ennuyer, ce temps plus doux où le jour commence à baisser, cette saison qui pour certain sent la grisaille, les impots, la rentrée et qui pour moi jusque là était comme une occasion de tourner la page, d'ouvrir un nouveau cahier, de commencer une nouvelle année.
Alors quand j'ai été voir de plus près le synopsis du film, je ne m'attendais pas à trouver une histoire qui dure toute une année, une histoire déchirée, la fin de la vie d'un ami, la fin d'un amour, le début d'un autre... Alors fin août début septembre s'assombrit tout à coup, s'alourdit du poids des mois et des difficultés, du poids des années. Fin aout début septembre aujourd'hui, revêt des teintes d'ennui et de pluie, pas celles des vacances et du temps de l'innocence, celles qui donnaient libre court à l'imagination et grâce auxquelles on découvrait des livres interdits, non des teintes plus sourdes, plus profondes, qui s'insinuent et se répandent malgré tout, malgré soi, des teintes plus sombres, des traînées de poudre, des traces indélébiles. Est-ce parce que l'été n'a pas tenu ses promesses, est-ce parce que, l'attendant toujours, je reste sur ma faim ? C'est cela et c'est autre chose aussi. Le film réveille des souvenirs, des histoires d'amour qui finissent trop tôt, des histoires trop courtes, des vies arrachées comme des pages de cahier, des feuilles envolées.
Bien loin des vacances convoitée, août cette année était désolé, orageux, mouillé alors septembre je voudrais que ce soit clair, lumineux, merveilleux même, je voudrais que ce soit comme une page blanche où l'histoire qui s'écrit a un bel avenir devant elle.

vendredi 8 août 2008

drôle d'endroit pour une drôle de rencontre

De très loin, dans ce noir opaque, j’avais perçu un soupçon de clarté. Une fois arrivée dans cette zone de lumière intense, je fus totalement éblouie. Il n'y avait rien là pour perturber la blancheur silencieuse des lieux, rien, pas un souffle, pas un bruit, pas âme qui vive. Je me suis perdue entre les nuages, gros morceaux de coton, ballons aérostatiques, engins stratosphériques, sortes d’abris capitonnés pour parcourir des cieux tourmentés. En m’approchant davantage, j’aperçus une silhouette blanche. L’homme souriait et semblait m’inviter à approcher. L’homme souriait encore et de la main, insista chaleureusement pour me faire franchir le passage, sorte de mur blanc et vaporeux qui se présentait devant moi. Les yeux brillants et brûlants de cette lumière vive, je découvris derrière ce mur nuageux, un immense et somptueux paysage. C’était comme une toile virtuelle que je pouvais traverser aussi facilement que le mur de nuage. J’ai traversé des nuages et des paysages, j’ai croisé des silhouettes blanches, lumineuses, souriantes, j’ai survolé plus que marché dans ces lieux sans temps et sans frontières. J’ai parcouru des espaces infinis sans sentir aucune fatigue, ni aucune faim. J’étais vêtue de blanc moi aussi. Je ne m’étais jamais sentie aussi légère, comme si ici, je n’étais plus soumise aux lois de la pesanteur. Et tandis que je m’interrogeais sur le poids de mon âme, l’appel soudain de l’éternité, le fil de ma vie... une silhouette blanche approcha.
“Sur Terre, me dit-il, l'âme, comme un ballon captif, est prisonnière du corps. Bien souvent, c’est lors de la mort, qu'il est possible, pour l'intéressé, de vérifier si son âme monte ou descend. Elle peut même descendre encore bien plus bas que le niveau du corps, descendre tout au fond de la Terre. Et lorsque l'on fait le bilan de sa vie, on peut voir si l'âme est repartie plus haute ou plus basse qu'elle n'était arrivée. Ce bilan ne se fait pas sans l'aide de guides. Et c’est moi, qui ai été désigné pour t’aider, moi, l’homme à la tête de chou. Je suis arrivé ici en mars 1991du calendrier terrien et depuis je t’observe” -“Quoi, tu me vois, tu m’observes depuis tout ce temps ? Et c’était toi tout à l’heure qui m’a fait passer le mur de nuages ?“ “Oui c’était moi, le passeur. Ici on est si lumineux que l’on ne reconnaît personne au premier abord” “Et tu sais tout de moi?” “Oui tout. Pour conserver cette légèreté que tu ressens depuis ton arrivée, tu devras te débarrasser de tous le poids qui a chargé ta vie. Tu es belle vue de l'extérieur Hélas, je connais tout ce qui se passe à l'intérieur C'est pas beau même assez dégoûtant Alors ne t'étonne pas si aujourd'hui je te dis va-t'en Va te faire voir, te faire voir ailleurs”. Je m’apprêtais à rebrousser chemin “Pauvre idiote tu rêves tu planes Me traites de fauché de plouc De minable d'abominable bouc Qu'importe, injures un jour se dissiperont comme volute” “Mais non, ne pars pas, ton esprit doit être sauvé, sache que l’esprit garde toujours sa légèreté. C'est seulement le poids accroché au ballon qu’il va falloir alléger de toutes ces scories. Et je vais t’aider. “Mais où suis-je ? “ “Pauvre petite chose Cueillie à peine close Par les doigts du destin As-tu gagné au change Es-tu avec les anges Ou bien n'es-tu plus rien ?” “Ou ça les anges, en es-tu un ? "Puisque je te le dis, je suis ton ange, ton passeur, ton peseur d’âme. "Rendre l'âme, d'accord, mais à qui ?" "eh bien à moi c’est moi l’élu, ton élu, l’élu de ton coeur. Livre toi, livre moi ton toi pour l’éternité. Si le passé est amnésique Et le futur hypothétique Le présent étant chimérique Il ne restera de nos nuits que Quelques mots d'amour sur bande magnétique". Et si le paradis n’était qu’un rêve, une idée chimérique, pour consoler les âmes en peine? Et si on pouvait le voir sur images numériques juste pour y croire, juste pour l’espoir.

dimanche 15 juin 2008

le silence est d'or

C'est un village tout blanc perché sur la falaise, c'est un village immaculé posé tout en haut du rocher. On y vient à pieds par des chemins escarpés qui surplombent la mer. De très loin, j'ai tout de suite été attirée par ce blanc qui étincellait comme la nacre au soleil. Je suis arrivée dans l'après-midi, il n'y avait rien pour perturber la blancheur silencieuse des lieux, rien, pas un souffle, pas un cri, ni dedans, ni dehors. Je me suis perdue entre les maisons, gros morceaux de sucre, accrochés à la roche, et les escaliers tourmentés qui servent de ruelles. J'ai cru que le village était endormi le temps d'une sieste. L'aubergiste me montra ma chambre sans ouvrir la bouche. J'ai cru qu'il était sourd-muet. Je compris plus tard qu'ici le silence était d'or et qu’on le préservait jusqu'au moins le coucher du soleil. C'est seulement quand il tombait de l'autre côté de la mer que les villageois s'autorisaient quelques mots. Ici on a compris que le silence est d'or et et tout le village respecte la loi, pas un enfant qui ne s'autorise un mot avant dix heures, pas une mère pour le rappeler à l'ordre. Ici les enfants apprennent à se taire en même temps qu'ils apprennent à parler. Il leur faut plus d'années que chez nous pour maîtriser la langue mais combien plus maîtrise-il enfin, de sagesse, de patience et de joie intérieure, cet enfant-là. D'ailleurs ici, dans leurs costumes bleus, car tous ils sont habillés en bleu, les villageois respirent la joie. Cette vie en bleu et blanc, du ciel à la terre et de la terre au ciel, exprime comme nulle part ailleurs l'état de grâce, comme une prière tendue au ciel, comme un hymne permanent à la paix. Leurs vêtements bleus se faufilent comme des ombres le long des façades bleuies par la nuit et disparaissent derrière les portes blanches et bleuïes elles-aussi. Avec la disparition des ombres, derrière les portes s'ouvre comme un chant marin, un murmure sourd et profond. Tout le village en quelques heures se confirait l'essentiel pour échanger leurs denrées, éduquer leurs enfants. Et avant que le jour ne se lève, le silence imposerait sa règle d'or encore une fois et laisserait le plus possible chacun à l'abri des mots et des regards. Cette loi me convenait bien, je gouttais aux joies, à la profondeur, à la richesse du silence. A force d'écouter le silence de ces villageois, à force d'entendre la mer se briser sur la roche, à force d'attendre la nuit pour s'autoriser un mot, on apprend à mieux les choisir, on apprend à ne plus parler pour ne rien dire. On écoute le silence d'abord, et puis les gens, leur mot, unique et puissant dans la nuit, qui vous transperce, qui vous émeut, qui vous touche au plus profond de vous. On voit autrement, on voit des petites choses s'agiter entre deux pierres, des petits riens sur le visages des femmes, des ombres bleuir, des parfums de roses s'épanouir, des herbes soupirer. On regarde les fruits avant de les savourer, on sent cette légère odeur de beurre sur la peau d'une pêche, on s'enivre de ses parfums et de son jus sucré et rafraîchissant. On distingue toutes les variations des bleus et des blancs dans les cieux et les mers qui s'agitent, dans les plis des robes empesés, dans les regards embués, dans les brumes infinies. On apprend à faire parler le silence.

mercredi 4 juin 2008

la part des choses

Pas facile de faire la part des choses,
des choses à partager,
des choses à mettre à part,
se mettre à part des choses, aussi
se mettre en retrait,
pour mieux les voir,
ces choses dont on fait tout un plat,
ces choses qui ne valent pas la peine,
ces choses qu’il vaudrait mieux prendre à la légère,
La part des choses
c’est faire le choix de la meilleure part
la part de choix,
la part qui remplit,
la part qui réjouit,
la part qui laisse le coeur léger

mercredi 28 mai 2008


"Un piano doit être un ami, c'est-à-dire un confident qui essuie nos rages".
 Félix Leclerc dans "Le calepin d'un flâneur"

mercredi 30 avril 2008

mon petit doigt me dit...

Je regarde ces mains et je ne les reconnais pas très bien. Je vois des mains sèches et blanches et je me souviens de mains potelées et courtes. Je n'aimais pas ces mains, j'enviais celles des pianistes, j'aimais regarder leurs mains s'agiter sur les pianos.
Je regarde ces mains calmes et réfléchies, je les vois s'agiter, nerveusement sur le papier, embarqués, entraînées dans un flot irraisonné.
Je regarde ces mains arrêtées, trahies par un léger tremblement qui attendent fébrilement le bon mot.
Je regarde ces mains aux ongles coupés trop court et je me souviens qu'hier je n'ai trouvé que des ciseaux de cuisine pour les couper. Je n'ai pas pris la peine de trouver un lime, j'ai oublié;
Je regarde ces mains et je me souviens de tout ce qu'elle ont touché de beau, de doux, de soyeux, de toutes les mains qu'elles ont serrées, chaudes, fermes, broyeuses d'os, sèches, fines, jeunes, ... de tous les gants qu'elles ont enfilés.
Je regarde ces mains tourneuses de pages, tricoteuses de mots, qui cachent une cicatrice à l'intérieur du pouce et un reste d'enfance dans le petit doigt.
Je regarde ces mains aux bagues démesurées, bijou de paladin en quête de prouesse ou armure de plâtre comme seule défense.
Je regarde ces mains aux lignes courtes qui prédisent ni mariage, ni longue vie. Je ne veux croire qu'au bonheur inventé par les diseuses de bonne aventure, tout le reste est fumisterie, c'est mon petit doigt qui l'a dit.

samedi 19 avril 2008

mardi 15 avril 2008

avec un grand A

Si l’autre est là, en face, et que je ne me sens plus démuni mais enrichi, plus désappointé mais enchanté, si quand il est avec moi, différent, décevant, déroutant, je ne cherche plus à le transformer, à l'inventer mais au contraire, j'aime qu'il se révèle, qu'il se dévoile, qu'il se cherche avec moi, si je cherche à mieux entendre ce qui est inententable , à mieux comprendre ce qui est incompréhensible, si j'aime ses défauts, ses faiblesses, si je livre mes armes et mes larmes, si je m'abandonne alors je suis prêt pour l’amour avec un grand A.

lundi 14 avril 2008

comme une image

seul on n’est jamais tant préoccupé par l’autre. seul on est rempli de l’autre, des autres, on se remplit du monde, de l’univers. seul on se laisse habiter, on laisse venir l’autre. on l’accueille, on le bichone, on voudrait le garder. on le fabrique à sa convenance. c’est quand l’autre est là, en face, qu’on est seul, seul face à lui, l’autre. seul, démuni, désarçonné, désappointé, toujours sur le qui-vive, flatté ? agressé ? charmé ? rien de plus difficile que l’altérité , là, quand elle se présente, différente, décevante, déroutante. de loin, seul, je l’avais vu autrement, je l’avais fait à mon image, je l’avais inventé de toute pièce, l’autre, mon beau miroir, ne serais-je pas déçu quand tu te révèleras, saurais-je jamais ta vérité, que veux-tu bien m’en dire, qu’en sais-tu toi même, qu’en entendrais-je ? qu'en retiendrais-je et combien encore pourrais-je te choyer, t’aimer, te façonner, te fabriquer, comme une image.

vendredi 11 avril 2008

signes de candeur

Malgré la guerre tout autour, malgré l’injustice du monde, malgré la maladie, la mort, les larmes... il pousse des fruits, il pousse des fleurs, des signes de vie, des signes de candeur. Certain préfère la dérision, l’ironie, le sarcasme, mais à force de rire jaune, le rire se fige en mépris, empêche tout, annihile tout. Je préfère garder cette part de naïveté, elle assure une part de mon avenir, et si cela fait sourire, qu’importe les raisons, c’est toujours ça de gagné.

samedi 5 avril 2008

La musique me trotte dans la tête, les mots lancent leurs signaux, discrètement d'abord et puis ils reviennent, ils tournent, indéfiniment, inlassablement ils tournent. Ils sonnent, ils résonnent, ils reviennent, ils me hantent, ils me narguent et ils ne me foutront la paix qu'une fois couchés sur le papier.

les mots et la musique

jeudi 3 avril 2008

les mots cueillis à la volée

Je suis devant mon ordinateur préféré, ami de toujours, ennemi intime, complice à jamais. Je suis là et je suis ailleurs. Mes doigts, plus vite que ma pensée, m’emmènent dans les recoins de ma mémoire, dans les plis les plus obscurs de mon enfance, déploient des rires et des larmes, oubliés depuis toujours. Mes doigts inventent des histoires selon un rythme qui s’impose. Les mots défilent et mes doigts effleurent les touches, sans y penser. La danse des doigts se prolonge un temps. Et puis plus rien, mes doigts s’immobilisent, mes yeux vont au dehors, cherchent un nouveau mot mais rien, la musique s’est tue.
La vie reprend son cours, les klaxons, les marteaux piqueurs, le verre qui se brise dans les camions verts, les sirènes, les cris, les cloches, toute cette vie que je n’entendais plus, toute cette agitation me saisit à nouveau, m’aspire, me broie. Le moment de grâce est passé. La rue m’a sorti de mon monde, c’est dans la rue que je retrouverais la ronde des mots.
Cette fois-ci mes jambes donnent le rythme, toujours une histoire de rythme. Et quand la musique revient, les paroles ne sont plus très loin. Je marche plus vite, je chante, je chante plus fort, je marche encore. J’ai l’air, mais pas la parole. Les mots cherchent un passage, s’ouvrent sur des éclats de rire, des éclaboussures, des mûres inaccessibles, des genoux écorchés. Les images défilent, à toute allure. Tout y est, intact, la couleur des bicyclettes, la moiteur de l'air, la pente exacte de la route, ses courbes, ses nids de poule, la longue descente, un peu plus loin, à l'ombre des platanes, vertigineuse, l'ombre au retour, qui ne parvient pas à nous rafraîchir, la dernière côte, les derniers mètres...
Les mots que j’ai cueillis à la volée, montent l’escalier, quatre à quatre. J’ai hâte de les voir sur la page, battre la chamade. J’ai peur de les perdre, de perdre ce battement là, le temps de mettre la clé dans la serrure, d’ouvrir la porte, de ré-ouvrir le champs où s’est arrêtée la bataille. Et je les vois, ils se déroulent avec une régularité presque mécanique, ils s’imposent, sous mes doigts, ils se congugent au passé simple, ils ont repris le cours des choses, tout simplement.

jeudi 27 mars 2008

merci pour le chocolat

Toi aussi, tu nous obsèdes, tu nous tentes, tu nous réjouis depuis notre plus tendre enfance. Dans de raisonnables proportions tu t'es invité chaque jour dans nos goûters et dans des proportions plus débridées, tu terminais toutes les fêtes, tous les anniversaires... Le festin, loin de la vigilance parentale, s'est soldé parfois en de terribles représailles digestives. A chaque fête tu reprenais du panache et on te savourait avec plus de plaisir. D'année en année, on t'a choisi, plus noir, plus fin, plus corsé, plus fruité, plus amer. Tu t'es imposé, toujours plus fort et plus subtil à nos palais d'initié, tu as fait ta loi. On ne résistait plus aux effets de la théobromine et de la phényléthylamine. Alors oui nous sommes devenus dépendants, totalement dépendant de tes effets stimulants, dé-stressants, aphrodisiaques même. Loin de Noël et de Pâques, chaque jour, tu nous a appelé, et à peine tu avais fondu sur notre langue, notre cerveau te réclamait à nouveau, et comme après une chimère, tu nous as fait courir pour assouvir ton désir.

mardi 25 mars 2008

morceau choisi

Objet de désir, objet de convoitise, ta vie courte et dissolue s’insinue dans le quotidien de chacun. Joie de l’enfance, invité privillégié des gourmets, compagnon de comptoirs, tu révelles des saveurs plus toxiques à l’amateur d’absinthe et au quinqua adipeux.
Doux, suave, écoeurant même, tu es tantôt délice, tantôt poison. Destiné à disparaître dans des remous sombres et agités, tu auras pour un temps ta consécration. Pièce fétiche des architectes de l’éphémère, ta surface mate et blanche laisse scintiller ça et là quelques éclats de nacre, et de ta forme parfaite s’élaborent les constructions les plus audacieuses. Tu réjouiras d’autres créateurs, qui, tour à tour useront de tes textures crémeuses, fondantes, craquantes, fluides, liquoreuses, pour le plus grand plaisir des palais avisés. Plus modestement et avec l’aide indispensable d’une petite cuiller, tu sauras adoucir, les breuvages les plus insipides et les plus amers.

lundi 17 mars 2008

vers de nouveaux paradis

Lorsque l’enfant était enfant,
il courrait dans l’herbe
après les papillons,
il tendait le bras au ciel,
à l'avion,
enchanté,
Lorsque l’enfant était enfant,
il se hissait sur la pointe des pieds
sur la margelle du puit
et regardait tout en haut,
pour voir s'il y avait un nouveau nid.
Il attendait les premières neiges
comme le signe d’un instant magique
à venir.
Il aimait se laisser bercer
par la voix de sa mère
avant de s’endormir.
Il croyait aux contes de fée
et il y croit encore.
Il croyait à l’existence des géants
qui peuplaient ses nuits.
Il jouait avec eux le jour aussi
pour chasser des démons
plus inquiétants;
Il se risquait, sous leur bienveillante protection,
vers des terres inconnues,
dans l’espoir d’y trouver
de nouveaux paradis

dimanche 16 mars 2008

insouciance

je dis natte, je vois des cheveux lisses et blonds enchevêtrés, des jouets éparpillés, j’entends des rires aquatiques et puis je sens l’odeur des brioches et de l’insousiance
je dis craie et je l’entrends crisser sur le tableau noir, sans que ses formules ne s’éclairent
je dis ballon sans rien dévoiler des joies
dont l’enfance a le secret
je dis colle, je sens déjà le lait d’amande et le sirop d’orgeat avant d’avoir ouvert tout grand le pot des souvenirs
je dis cahier et je revois les lignes à écrire des écoliers
je dis tablier, les couleurs se propagent sur de grandes feuilles de papier pour inventer des familles idéales dans des chateaux de légendes

nuit

je dis nuit, l’esprit s’éveille
garant d’insomnies fructueuses et d’idées de génie
je dis jour, les rêves se dissipent
pour mettre des promesses à la place
je dis Amour et je ne trouve rien de mieux à inventer
pour embellir mes jours
je dis toujours pour tenter de mettre un peu d’éternité
dans les choses qui ne devraient pas s’user
je dis bleu quand la vie est belle,
quand le ciel est clair et le coeur sourit
je dis bulle et j’entre dans un monde
où le vent fait de la musique
je dis champagne, j’entends les idées qui pétillent

mercredi 12 mars 2008

Respirer un parfum de lessive sur une chemise de coton

Quand il passe, c’est comme un parfum de maison de campagne, une corbeille à linge, une légère odeur de lavande...
Quand il passe avec sa chemise bleue, c’est le champ de lavande tout entier qui s’offre à vous, saturé de lumière et de rêves illicites. Pourtant le coton est sage, la couleur est sage, le parfum est sage. On est loin des parfums capiteux et provoquants et c’est ça qui est irrestible.

jeudi 6 mars 2008

la lettre d'un ami qui vous veut du bien

Ouvrir sa boite aux lettres sans enthousiasme pour en extirper quelques factures de plus et quelques recettes éculées, comment se faire un corps de rêve en trois semaines, apprendre l’anglais en trois leçons, trouver le prince charmant, gagner 50 000 euros, ou encore un voyage pour deux personnes aux iles Fidji,.... Et puis découvrir une enveloppe où l’on a pris soin d’écrire votre nom à la main, votre adresse sans aucune erreur, coller un timbre choisi avec attention. Ne pas reconnaitre l’écriture tout de suite, ne pas se réjouir trop vite, ouvrir soignement l’enveloppe sans la déchirer. déplier la feuille de papier sans la froisser, la retourner et lire non pas le nom du notaire, de l’avocate, de la directrice d’école, le nom d’un ami tout simplement. Ne pas se réjouir encore, ne pas s’inquiéter non plus avant de lire la lettre toute entière. Pas de mauvaises nouvelles, pas de drames, juste les quelques mots d’un ami qui vous veut du bien.

Rencontrer un ami par hasard

Rencontrer un ami par hasard dans une rue, un magasin ou un café, un lieu bondé de préférence ou une foule bien épaisse, là où l’on se croit à l’abri, là où tous les chats sont gris. Et puis une voix sort de l’anonymat, familière, une main se pose sur votre bras, sans vous effrayer tout à fait.
J'ai souvent croisé F. par hasard, parfois on a eu le temps de prendre un verre, parfois, on s’est promis de le faire, on a encore des choses à se dire et des rues communces à traverser en sens inverses ou à arpenter bras-dessus, bras-dessous. Je suis sûre de le croiser encore. Je suis moins sûre que ce soit tout à fait par hasard.
J’ai croisé Florent, Guillaume, Vincent. J’ai croisé Sophie, j’ai croisé Paul, Pierre, Jacques et chaque fois, j’ai eu l’impression que c’était comme un cadeau du ciel.
Souvent j’ai croisé un ami par hasard, ou plutôt le hasard a mis l’ami sur ma route et il l’a fait autant de fois qu’on a pris de plaisir à échanger quelques mots. Souvent le hasard m’a donné de renouer une amitié ou de défaire un lien en un rien de temps.

mercredi 5 mars 2008

Ouvrir la porte d’un immeuble inconnu

Ouvrir la porte d’un immeuble inconnu, une grande porte qui vous attire parce qu’elle est belle, parce qu’elle est rouge ou parce qu’elle vous appelle tout simplement. Mais oserez vous ? Et si vous osiez, quel délice, cette incursion dans l’inconnu, cette intrusion, cette petite indiscrétion, vous qui êtes si bien élévé, et cette petite peur qui vous fait trembler légèrement parce qu’à l’abri des passants, derrière le porche, ce calme soudain vous effraie. Cette fenètre sur la vie des autres, c’est une tranche de vie volée aux gens qui ont la clé. Cette minute dans l’intimité d’une cour arborée, d’une fenètre ouverte au rez de chaussée, c’est un luxe que vous seul appréciez à sa juste valeur, le luxe des rêves, éphémères, inouïs, inaccessibles. Rien n’est plus excitant que cet instant insaisissable, cette minute où le coeur un peu serré par l’interdit, vous vous êtes cru le maitre des lieux.

Boire un peu trop de vin et se sentir libre

Dès le premier verre, on a un autre visage. On a choisi de boire, on aurait pu choisir d’être sage. On se fait à l’idée de rougir un peu, de s’échauffer. On sent l’odeur de mousse, de champignons derrière la fraicheur des sous-bois. On ferme les yeux, on respire avant de tremper ses lèvres dans le breuvage. On découvre autre chose moins vert, moins frais. On savoure quelque chose de rond, de doux. On se découvre un peu. Il fait chaud. On parle plus fort. On on ne sent plus le végétal qu’on avait perçu d’abord, on se sent bien, on ne cherche plus à tout décortiquer, à tout comprendre. Le vin est bon, le rouge est bon aussi, plus fort, plus vigoureux. Le rire se déploie en cascade. Le discours s’allège, le vin coule à flot, le rouge, le blanc. On parle de tout et de rien et c’est fou ce que l’on entend dans ce presque rien. ça résonne, ça enchante, ça ressemble à la vérité quand elle est nue, fragile et vascillante.