mercredi 25 novembre 2009

Entretien avec Madame Boravy


Que s'est-il passé entre vous ? Qu'avez-vous fait de votre amour ? Qu'attendez-vous pour le nommer, ce puissant sentiment, ce sentiment horrible qui vous envahit totalement ? Cessez de pleurer sur votre sort, sachez reconnaître la vérité, la vérité nue, la vérité crue. Regardez un instant à quoi ressemble votre vie. Cessez de vous leurrer sur votre capacité à haïr, car oui vous le haïssez. Vous le haïssez mais vous ne pouvez supporter que ce sentiment soit en vous. Depuis des années, vous vous effacez chaque jour davantage, vous finissez par vous confondre avec les murs de votre chambre, gris et rugueux, vous respirez à peine, votre voix aussi s'est éteinte. Au lieu de laisser éclore votre vraie nature, vous vous faites une raison, vous gagnez votre ciel, vous croyez toucher à quelque perfection. A force de vous effacer, vous disparaissez, plus rien à convoiter, rien à attendre, rien à espérer, vous vous résignez, vous vous dénigrez. Vous n'êtes plus aux yeux de tous, qu'une pauvre petite chose. Vous vous persuadez qu'un jour arrivera ici-bas ou au-delà où quelqu'un viendra, pour vous sauver. Vous attendez votre sauveur, mais seule vous pouvez vous sauver. Vous priez -Au nom du père-, les non dupes errent- vous voudriez sauver votre âme, à défaut de sauver votre vie. Et dans l'épaisseur de vos nuits, vous rêvez quelque fois à ce frémissement qui donnerait tout à coup un goût exquis à vos jours si gris.

dimanche 15 novembre 2009

32ème dimanche ordinaire

Trente-deuxième dimanche ordinaire, un peu fatiguée, plus que d'ordinaire, les traits marqués, les rides accentuées. Les rides se creusent sur le front, entre les yeux, et même autour de la bouche. Elles n'y étaient pas celles-là jusque là, pas encore. Le temps s'exprime, le temps s'arrête, le temps m'abime, j'ai un peu bu la veille, je me sens vieille. Les amis sont partis tôt, on a moins ri que d'habitude, on rit de moins en moins. Ou alors on rit de ce rire fatigué et incontrôlable, de ce rire nerveux et inquiétant pour chasser l'angoisse, pour braver le temps. Les amis rient aussi, seuls dans leur lit et puis ils se rident, ils s'ennuient, ils s'abiment. On évitent les sujets qui fâchent, on tente de se divertir mais on n'a plus le coeur à plaisanter. L'humour est grinçant, le ton est lourd, le vin ne parvient pas à nous rendre plus léger. Le vin finira par nous taper sur la tête, par nous gâcher ce dimanche, morne malgré le bleu qui voudrait égayer le paysage. Les enfants crient, la tête fait mal, de plus en plus mal, et chaque bruit résonne et cogne, les enfants sont insupportables, la tête va exploser, avec la colère, l'injustice, les punitions. Les enfants rient, leur rire est arrogant, presque indécent dans cette fin d'après-midi qui ressemble déjà à la nuit. Trop fatigué ce soir pour accepter de se laisser réveiller par l'innocence ou trop vieux, on râle et on crie aussi. La musique s'éteint avec les dernières lueurs du jour, le calme revient, on regrette déjà de n'avoir su saisir l'occasion de rire, on prend de bonnes résolutions et on s'efforce de sourire...