dimanche 28 septembre 2008

portrait à multiples facettes

Un silence presque religieux régnait dans l'atelier. L'odeur de térébenthine, comme celle de l'encens, conférait au lieu quelque chose de sacré. J'entrais tout doucement. J'avais promis d'être sage. Je me faufilais comme un chat jusqu'à son chevalet et là, je grimpais sur un tabouret pour m'asseoir sur la table qui était derrière lui. Bon poste d'observation, des heures sans bouger, sans dire un mot, pour ne pas manquer le moment, l'instant où d'un fond de couleurs éparses et confuses, sortirait clairement les traits d'un visage familier, les traits clairs et calmes de ma mère, toujours les mêmes et toujours différents.
Et chaque fois de ces couleurs si chaudes certains soirs de septembre et si bleues l'hiver, dans ces effets de feu ou de glace, je croyais voir surgir quelqu'un d'autre mais chaque fois, c'est elle que je reconnaissais, à la courbe de ses yeux, à l'inclinaison de sa tête. Puis, son visage clair et bleu se chargeait de noir, comme si la colère ou la peine l'avait fait changer d'humeur et je regrettais longtemps qu'il n'ait pas garder sa douceur. Je me retenais de dire "stop, non arrête, elle est jolie comme çà".
Chaque fois, il creusait ça et là une empreinte de la vie, une trace, une ombre et le noir en s'épaississant finissait par effacer les traits de ma mère.
Chaque fois, j'étais étonnée de l'avoir vue, elle, c'était bien elle, là où elle n'était plus; et de voir à sa place, un étranger, une étrangère, un visage inconnu.

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