jeudi 27 mars 2008

merci pour le chocolat

Toi aussi, tu nous obsèdes, tu nous tentes, tu nous réjouis depuis notre plus tendre enfance. Dans de raisonnables proportions tu t'es invité chaque jour dans nos goûters et dans des proportions plus débridées, tu terminais toutes les fêtes, tous les anniversaires... Le festin, loin de la vigilance parentale, s'est soldé parfois en de terribles représailles digestives. A chaque fête tu reprenais du panache et on te savourait avec plus de plaisir. D'année en année, on t'a choisi, plus noir, plus fin, plus corsé, plus fruité, plus amer. Tu t'es imposé, toujours plus fort et plus subtil à nos palais d'initié, tu as fait ta loi. On ne résistait plus aux effets de la théobromine et de la phényléthylamine. Alors oui nous sommes devenus dépendants, totalement dépendant de tes effets stimulants, dé-stressants, aphrodisiaques même. Loin de Noël et de Pâques, chaque jour, tu nous a appelé, et à peine tu avais fondu sur notre langue, notre cerveau te réclamait à nouveau, et comme après une chimère, tu nous as fait courir pour assouvir ton désir.

mardi 25 mars 2008

morceau choisi

Objet de désir, objet de convoitise, ta vie courte et dissolue s’insinue dans le quotidien de chacun. Joie de l’enfance, invité privillégié des gourmets, compagnon de comptoirs, tu révelles des saveurs plus toxiques à l’amateur d’absinthe et au quinqua adipeux.
Doux, suave, écoeurant même, tu es tantôt délice, tantôt poison. Destiné à disparaître dans des remous sombres et agités, tu auras pour un temps ta consécration. Pièce fétiche des architectes de l’éphémère, ta surface mate et blanche laisse scintiller ça et là quelques éclats de nacre, et de ta forme parfaite s’élaborent les constructions les plus audacieuses. Tu réjouiras d’autres créateurs, qui, tour à tour useront de tes textures crémeuses, fondantes, craquantes, fluides, liquoreuses, pour le plus grand plaisir des palais avisés. Plus modestement et avec l’aide indispensable d’une petite cuiller, tu sauras adoucir, les breuvages les plus insipides et les plus amers.

lundi 17 mars 2008

vers de nouveaux paradis

Lorsque l’enfant était enfant,
il courrait dans l’herbe
après les papillons,
il tendait le bras au ciel,
à l'avion,
enchanté,
Lorsque l’enfant était enfant,
il se hissait sur la pointe des pieds
sur la margelle du puit
et regardait tout en haut,
pour voir s'il y avait un nouveau nid.
Il attendait les premières neiges
comme le signe d’un instant magique
à venir.
Il aimait se laisser bercer
par la voix de sa mère
avant de s’endormir.
Il croyait aux contes de fée
et il y croit encore.
Il croyait à l’existence des géants
qui peuplaient ses nuits.
Il jouait avec eux le jour aussi
pour chasser des démons
plus inquiétants;
Il se risquait, sous leur bienveillante protection,
vers des terres inconnues,
dans l’espoir d’y trouver
de nouveaux paradis

dimanche 16 mars 2008

insouciance

je dis natte, je vois des cheveux lisses et blonds enchevêtrés, des jouets éparpillés, j’entends des rires aquatiques et puis je sens l’odeur des brioches et de l’insousiance
je dis craie et je l’entrends crisser sur le tableau noir, sans que ses formules ne s’éclairent
je dis ballon sans rien dévoiler des joies
dont l’enfance a le secret
je dis colle, je sens déjà le lait d’amande et le sirop d’orgeat avant d’avoir ouvert tout grand le pot des souvenirs
je dis cahier et je revois les lignes à écrire des écoliers
je dis tablier, les couleurs se propagent sur de grandes feuilles de papier pour inventer des familles idéales dans des chateaux de légendes

nuit

je dis nuit, l’esprit s’éveille
garant d’insomnies fructueuses et d’idées de génie
je dis jour, les rêves se dissipent
pour mettre des promesses à la place
je dis Amour et je ne trouve rien de mieux à inventer
pour embellir mes jours
je dis toujours pour tenter de mettre un peu d’éternité
dans les choses qui ne devraient pas s’user
je dis bleu quand la vie est belle,
quand le ciel est clair et le coeur sourit
je dis bulle et j’entre dans un monde
où le vent fait de la musique
je dis champagne, j’entends les idées qui pétillent

mercredi 12 mars 2008

Respirer un parfum de lessive sur une chemise de coton

Quand il passe, c’est comme un parfum de maison de campagne, une corbeille à linge, une légère odeur de lavande...
Quand il passe avec sa chemise bleue, c’est le champ de lavande tout entier qui s’offre à vous, saturé de lumière et de rêves illicites. Pourtant le coton est sage, la couleur est sage, le parfum est sage. On est loin des parfums capiteux et provoquants et c’est ça qui est irrestible.

jeudi 6 mars 2008

la lettre d'un ami qui vous veut du bien

Ouvrir sa boite aux lettres sans enthousiasme pour en extirper quelques factures de plus et quelques recettes éculées, comment se faire un corps de rêve en trois semaines, apprendre l’anglais en trois leçons, trouver le prince charmant, gagner 50 000 euros, ou encore un voyage pour deux personnes aux iles Fidji,.... Et puis découvrir une enveloppe où l’on a pris soin d’écrire votre nom à la main, votre adresse sans aucune erreur, coller un timbre choisi avec attention. Ne pas reconnaitre l’écriture tout de suite, ne pas se réjouir trop vite, ouvrir soignement l’enveloppe sans la déchirer. déplier la feuille de papier sans la froisser, la retourner et lire non pas le nom du notaire, de l’avocate, de la directrice d’école, le nom d’un ami tout simplement. Ne pas se réjouir encore, ne pas s’inquiéter non plus avant de lire la lettre toute entière. Pas de mauvaises nouvelles, pas de drames, juste les quelques mots d’un ami qui vous veut du bien.

Rencontrer un ami par hasard

Rencontrer un ami par hasard dans une rue, un magasin ou un café, un lieu bondé de préférence ou une foule bien épaisse, là où l’on se croit à l’abri, là où tous les chats sont gris. Et puis une voix sort de l’anonymat, familière, une main se pose sur votre bras, sans vous effrayer tout à fait.
J'ai souvent croisé F. par hasard, parfois on a eu le temps de prendre un verre, parfois, on s’est promis de le faire, on a encore des choses à se dire et des rues communces à traverser en sens inverses ou à arpenter bras-dessus, bras-dessous. Je suis sûre de le croiser encore. Je suis moins sûre que ce soit tout à fait par hasard.
J’ai croisé Florent, Guillaume, Vincent. J’ai croisé Sophie, j’ai croisé Paul, Pierre, Jacques et chaque fois, j’ai eu l’impression que c’était comme un cadeau du ciel.
Souvent j’ai croisé un ami par hasard, ou plutôt le hasard a mis l’ami sur ma route et il l’a fait autant de fois qu’on a pris de plaisir à échanger quelques mots. Souvent le hasard m’a donné de renouer une amitié ou de défaire un lien en un rien de temps.

mercredi 5 mars 2008

Ouvrir la porte d’un immeuble inconnu

Ouvrir la porte d’un immeuble inconnu, une grande porte qui vous attire parce qu’elle est belle, parce qu’elle est rouge ou parce qu’elle vous appelle tout simplement. Mais oserez vous ? Et si vous osiez, quel délice, cette incursion dans l’inconnu, cette intrusion, cette petite indiscrétion, vous qui êtes si bien élévé, et cette petite peur qui vous fait trembler légèrement parce qu’à l’abri des passants, derrière le porche, ce calme soudain vous effraie. Cette fenètre sur la vie des autres, c’est une tranche de vie volée aux gens qui ont la clé. Cette minute dans l’intimité d’une cour arborée, d’une fenètre ouverte au rez de chaussée, c’est un luxe que vous seul appréciez à sa juste valeur, le luxe des rêves, éphémères, inouïs, inaccessibles. Rien n’est plus excitant que cet instant insaisissable, cette minute où le coeur un peu serré par l’interdit, vous vous êtes cru le maitre des lieux.

Boire un peu trop de vin et se sentir libre

Dès le premier verre, on a un autre visage. On a choisi de boire, on aurait pu choisir d’être sage. On se fait à l’idée de rougir un peu, de s’échauffer. On sent l’odeur de mousse, de champignons derrière la fraicheur des sous-bois. On ferme les yeux, on respire avant de tremper ses lèvres dans le breuvage. On découvre autre chose moins vert, moins frais. On savoure quelque chose de rond, de doux. On se découvre un peu. Il fait chaud. On parle plus fort. On on ne sent plus le végétal qu’on avait perçu d’abord, on se sent bien, on ne cherche plus à tout décortiquer, à tout comprendre. Le vin est bon, le rouge est bon aussi, plus fort, plus vigoureux. Le rire se déploie en cascade. Le discours s’allège, le vin coule à flot, le rouge, le blanc. On parle de tout et de rien et c’est fou ce que l’on entend dans ce presque rien. ça résonne, ça enchante, ça ressemble à la vérité quand elle est nue, fragile et vascillante.