mercredi 12 novembre 2008

moi seule sait


Moi seule sait à qui appartiennent ces pieds, moi seule sait que ce jour là, on était bien, on était tous les deux, il faisait doux, il faisait bon, c'était une petite escapade en amoureux. Remarquez, vous, vous savez, vous vous doutez du moins, à cette posture décontractée, à cette nonchalance, qu'on est en vacances, en week-end, loin des conventionnels costumes-cravates, d'ailleurs il ne met jamais de cravate, pas beaucoup plus de costume, ça vous ne le savez pas. Il n'aime pas les conventions, enfin celles-ci, celles qui vous serrent le kiki, qui vous rendent étriqué, qui vous empêchent de bouger. Il est beau pourtant en costume sombre mais il ne sait pas porter un costume sans se raidir. Est-ce par manque d'habitude, est-ce parce que c'est associé définitivement chez lui à une posture qu'il exècre. Il suffirait d'un rien pourtant pour rester décontracté dans une laine froide et anthracite, il suffirait de garder la même pose, la même élégance naturelle que celle-là. On était à une terrasse de café, il s'était légèrement enfoncé sur son siège, il avait fermé les yeux. Il était encore tôt, il y avait peu de monde autour de nous, personne sur la plage "je ferais bien du surf cet après-midi". J'écrivais quelques cartes postales. Il y avait longtemps qu'on n'était pas parti. Il y avait longtemps qu'on n'avait pas pris de vacances. Les yeux fermés, les vagues qui se brisent, la main dans la sienne, on est bien. Pieds nus, premiers beaux jours, je n'avais pas remarqué que son jean était usé. Il aime les belles matières mais il les use jusqu'à la trame. J'aime quand la toile à force d'avoir été lavée est douce, presque duveteuse. J'aime mettre ma main juste au dessus de son genou, toucher, caresser cette peau de pêche, dans le sens de la trame. J'aime quand il est comme ça, quand il oublie tout, quand il se sent en vacances, quand il retrouve un sourire d'enfant, une insouciance, une légèreté, une joie à vivre. Ses pieds sont encore tout blancs, nous ne sommes arrivés que la veille, la veille il faisait gris, la veille à Paris c'était l'hiver. Ses pieds sont minces comme ses mains, ils sont longs et nerveux. Il a de belles mains de pianistes, j'entends des notes de musique sur les vagues, j'entends ses morceaux favoris, j'aime quand il joue, j'aime l'écouter quand j'écris, les hésitations cassent le rythme, la phrase devient plus chaotique, ses mains qui s'agitent à nouveau et le texte retrouve sa fluidité. J'aime cet unisson, cette harmonie entre nous, cette consonance, cet accord tacite. Je suis habillée dans des tons de bruns et de gris aussi ce jour-là, nous avons pris sans le savoir les couleurs de la mer, nous déclinons les gris à l'infini, nous respirons un peu plus fort, nous savourons l'instant.

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