lundi 3 novembre 2008

et maintenant

et maintenant, je voyais les choses avec une précision redoutable. Tout était déjà là, inscrit dans ce bleu limpide. Tout était sur l’image. C’était l’hiver dernier. Elle était descendue sur la plage. Seule sur la plage presque déserte, elle courrait, magnifique dans ce matin trop calme, magnifique dans son jean bleu et son pull irlandais. Ca lui allait bien le jean. Elle avait maigri, elle était encore plus mince. Elle était gaie. Elle était belle. J’aimais son rire, j’aimais sa joie. Je la regardais de la fenètre de notre chambre d’hôtel. La lumière était douce, un peu jaune. J’avais eu envie de rester un peu au lit. Elle avait pris soin de ne pas me réveiller. Elle m’avait juste chuchoter un mot doux à l’oreille avant de s’éclipser. Quelques instants plus tard, je l’ai rejoint sur la plage, elle avait un livre à la main. Il était si mouillé qu’il était difficile d’en distinguer le titre, d’en décoller les pages. Elle semblait pourtant bien décidée à ne pas se séparer de sa trouvaille. Elle avait demandé à un inconnu de nous prendre en photo. Nous n’avions pas remarqué alors qu’il y avait quelqu’un qui marchait derrière nous. Elle voulait une photo pour arrêter le temps.
Tout était sur l’image, son angoisse des jours à venir, son teint trop pâle, ses yeux immensément gris, le livre, son rire, ses joues amaigries. Elle savait mais elle n’avait rien dit, elle craignait que je n’ai pas son courage, que je cesse de rire, de courir. Elle savait mais elle voulait m’offrir les plus beaux souvenirs.
Elle était magnifique ce soir là, tout en noir. Le vent et le champagne avaient mis un peu de couleur sur ses joues. Plus tard sur la table de nuit, j’ai vu clairement sur le livre mouillé “les jours sans moi” en lettres capitales et je comprends seulement maintenant combien les mots pesaient lourds dans sa tête. Maintenant seulement, seul avec cette image, seul avec ce souvenir qu’elle avait fabriqué entièrement.
Je suis anéanti, sonné, abasourdi, complètement dans le cirage. Un matin, elle s’est évanouïe. Sur son lit d’hopital, elle m’a dit avec une douceur et une force incroyables “N’aie pas peur. Le plus important pour moi, c’est de t’avoir aimé, le plus important pour toi, c’est d’aimer encore”

Aucun commentaire: