mardi 7 juillet 2009

la triste vie d'Igor Dvoragine en 13 coups de crayon

1. Avec des parents comme ça, Igor Dvoragine avait un avenir tout tracé de violoniste
2. Après un accident et un petit doigt en moins, Igor dut y renoncer
3. Né le 1er avril, Il avait toujours considéré sa vie comme une grosse plaisanterie
4. Igor avait beau avoir perdu plus de quarante kilo, il se sentait toujours dans la peau d'un gros
5. Igor avait beau faire, il se sentait toujours mal dans sa peau
6. Igor avait un goût prononcé pour le malheur
7. Igor n'avait jamais pu consolé ses parents de la perte de sa soeur, il vivait dans l'ombre de Katharina sans jamais l'avoir connue
8. C'était un faux fils unique et par conséquent un faux frère
9. Par la force des choses, il était devenu un grand solitaire
10. Il vivait à Kiev depuis sa naissance, il n'avait pas quitté la maison de ses parents
11. Les parents d'Igor étaient morts à onze jours d'intervalle, l'un n'ayant pas supporté la disparition de l'autre
12. Igor avait bien reçu une fois ou deux quelques jeunes femmes dans cette maison, mais jamais on ne les avait revues une deuxième fois
13. Igor, ayant renoncé à toutes formes de vie sentimentale, adopta un chat, puis un autre, puis encore un autre mais eux aussi finissaient toujours par fuir sa maison, il dût se contenter d'un poisson

lundi 6 juillet 2009

comment transformer votre vie en trois temps, trois mouvements

Je n'avais pas regardé ces photos depuis dix ans, vingt ans et puis ce soir, en t'attendant, je tombe sur moi, 1992, j'ai l'air triste, j'ai à peine 25 ans et je porte toute la misère du monde sur mon visage 92 ! qu'est-ce que je faisais en 92 ? j'avais commencé à travailler ? oui je travaillais chez ISURE, je travaillais déjà comme une folle, c'était après avoir rencontré René-Pierre, c'était le début de la fin, quand le travail l'emporte sur tout le reste, quand le travail mange votre vie toute entière, semble effacer toutes les blessures, semble être au coeur de tout, forcément, puisqu'il vous nourrit, il vous porte, il vous pousse, il vous empêche de dormir, il vous fait vous lever de plus en plus tôt, il vous envahit, il vous mange de l'intérieur. Dieu que j'ai l'air triste. Je détestais déjà qu'on me prenne en photo et je m'arrangeais toujours pour me cacher derrière mes cheveux, la moitié du visage derrière une barre de cheveux ; ils ont beau être fins, c'est une barre, un écran, raide et imparable, un écran contre quoi ? je me sens moche et vieille. René-Pierre m'a plaqué, je n'ai plus aucune raison de vivre ailleurs que chez ISURE. Comment n'ai-je pas réagi plus vite ? Comme me suis-je laissée emportée par ce flot destructeur. J'étais triste et ISURE a fait le reste, comme une drogue, comme une secte. Je me suis laissée engloutir. Petit à petit, j'ai réappris à sourire. Oh pas grâce à des amoureux de passage non je ne m'accordais plus une soirée pour les jeux de mon âge.. Non, je tirais mon plaisir dans la reconnaissance des uns sur un projet réussi et la satisfaction des autres à me voir entrer dans la danse. Tant que j'ai pris le temps d'écrire ou de dessiner, je n'étais pas perdue, mais quand j'ai commencé à y renoncer, j'ai commencé aussi à devenir une autre, une autre qui croyait revivre en jouant les business women, une autre déguisée en costard gris pour être plus crédible, pour faire plus âgée, plus expérimentée, une autre qui mettait sa sensibilité au placard et qui commençait à adopter le discours froid et rationnel des coupeurs de tête en période de crise, le discours sans fioriture de la critique constructive qui ne se préoccupe pas du mal qu'il fait au passage, du discours des manuels de marketing. Tout à cette époque, m'a éloigné de moi-même. Et je n'ai rien vu venir. Je n'avais pas une seconde pour y voir clair, je fumais comme une folle, de quoi finir d'embrumer tout l'atmosphère !
25 ans, triste, moche, vieille avant l'âge, quelques histoires d'un soir. Ils devaient le sentir, ils devaient fuir devant cet être froid, glacé jusqu'aux os, usé prématurément. Je me contentais d'être une ombre. Les ombres n'ont pas de sentiments. Les ombres avancent sans y penser, les ombres suivent, défilent, se dissipent, s'effacent bientôt sans laisser de trace.
Vingt ans tapie dans l'ombre, vingt ans... quelle farce, et combien s'y laisse prendre... Combien de temps perdu pour tous ces gens fragiles et comment leur dire ? Tous s'y précipitent, tous ont envie de croire que travail et argent consolent des chagrins d'amour, empêchent de souffrir. Prenez garde qu'ils nous empêchent de vivre.

... je t'attends et je regarde à nouveau ces photos, il est temps d'accepter d'être prise, de fixer l'objectif, de sourire à la vie, il est encore temps, alors c'est le moment d'oublier tous les René-Pierre, tous les ISURE de la terre, de tourner la page, d'ouvrir les bras pour ce qui en vaut la peine, de ne pas se laisser envahir par ce qui fâche, ce qui ronge, ce qui ne va pas dans le sens de la vie