dimanche 15 juin 2008

le silence est d'or

C'est un village tout blanc perché sur la falaise, c'est un village immaculé posé tout en haut du rocher. On y vient à pieds par des chemins escarpés qui surplombent la mer. De très loin, j'ai tout de suite été attirée par ce blanc qui étincellait comme la nacre au soleil. Je suis arrivée dans l'après-midi, il n'y avait rien pour perturber la blancheur silencieuse des lieux, rien, pas un souffle, pas un cri, ni dedans, ni dehors. Je me suis perdue entre les maisons, gros morceaux de sucre, accrochés à la roche, et les escaliers tourmentés qui servent de ruelles. J'ai cru que le village était endormi le temps d'une sieste. L'aubergiste me montra ma chambre sans ouvrir la bouche. J'ai cru qu'il était sourd-muet. Je compris plus tard qu'ici le silence était d'or et qu’on le préservait jusqu'au moins le coucher du soleil. C'est seulement quand il tombait de l'autre côté de la mer que les villageois s'autorisaient quelques mots. Ici on a compris que le silence est d'or et et tout le village respecte la loi, pas un enfant qui ne s'autorise un mot avant dix heures, pas une mère pour le rappeler à l'ordre. Ici les enfants apprennent à se taire en même temps qu'ils apprennent à parler. Il leur faut plus d'années que chez nous pour maîtriser la langue mais combien plus maîtrise-il enfin, de sagesse, de patience et de joie intérieure, cet enfant-là. D'ailleurs ici, dans leurs costumes bleus, car tous ils sont habillés en bleu, les villageois respirent la joie. Cette vie en bleu et blanc, du ciel à la terre et de la terre au ciel, exprime comme nulle part ailleurs l'état de grâce, comme une prière tendue au ciel, comme un hymne permanent à la paix. Leurs vêtements bleus se faufilent comme des ombres le long des façades bleuies par la nuit et disparaissent derrière les portes blanches et bleuïes elles-aussi. Avec la disparition des ombres, derrière les portes s'ouvre comme un chant marin, un murmure sourd et profond. Tout le village en quelques heures se confirait l'essentiel pour échanger leurs denrées, éduquer leurs enfants. Et avant que le jour ne se lève, le silence imposerait sa règle d'or encore une fois et laisserait le plus possible chacun à l'abri des mots et des regards. Cette loi me convenait bien, je gouttais aux joies, à la profondeur, à la richesse du silence. A force d'écouter le silence de ces villageois, à force d'entendre la mer se briser sur la roche, à force d'attendre la nuit pour s'autoriser un mot, on apprend à mieux les choisir, on apprend à ne plus parler pour ne rien dire. On écoute le silence d'abord, et puis les gens, leur mot, unique et puissant dans la nuit, qui vous transperce, qui vous émeut, qui vous touche au plus profond de vous. On voit autrement, on voit des petites choses s'agiter entre deux pierres, des petits riens sur le visages des femmes, des ombres bleuir, des parfums de roses s'épanouir, des herbes soupirer. On regarde les fruits avant de les savourer, on sent cette légère odeur de beurre sur la peau d'une pêche, on s'enivre de ses parfums et de son jus sucré et rafraîchissant. On distingue toutes les variations des bleus et des blancs dans les cieux et les mers qui s'agitent, dans les plis des robes empesés, dans les regards embués, dans les brumes infinies. On apprend à faire parler le silence.

mercredi 4 juin 2008

la part des choses

Pas facile de faire la part des choses,
des choses à partager,
des choses à mettre à part,
se mettre à part des choses, aussi
se mettre en retrait,
pour mieux les voir,
ces choses dont on fait tout un plat,
ces choses qui ne valent pas la peine,
ces choses qu’il vaudrait mieux prendre à la légère,
La part des choses
c’est faire le choix de la meilleure part
la part de choix,
la part qui remplit,
la part qui réjouit,
la part qui laisse le coeur léger