jeudi 3 avril 2008

les mots cueillis à la volée

Je suis devant mon ordinateur préféré, ami de toujours, ennemi intime, complice à jamais. Je suis là et je suis ailleurs. Mes doigts, plus vite que ma pensée, m’emmènent dans les recoins de ma mémoire, dans les plis les plus obscurs de mon enfance, déploient des rires et des larmes, oubliés depuis toujours. Mes doigts inventent des histoires selon un rythme qui s’impose. Les mots défilent et mes doigts effleurent les touches, sans y penser. La danse des doigts se prolonge un temps. Et puis plus rien, mes doigts s’immobilisent, mes yeux vont au dehors, cherchent un nouveau mot mais rien, la musique s’est tue.
La vie reprend son cours, les klaxons, les marteaux piqueurs, le verre qui se brise dans les camions verts, les sirènes, les cris, les cloches, toute cette vie que je n’entendais plus, toute cette agitation me saisit à nouveau, m’aspire, me broie. Le moment de grâce est passé. La rue m’a sorti de mon monde, c’est dans la rue que je retrouverais la ronde des mots.
Cette fois-ci mes jambes donnent le rythme, toujours une histoire de rythme. Et quand la musique revient, les paroles ne sont plus très loin. Je marche plus vite, je chante, je chante plus fort, je marche encore. J’ai l’air, mais pas la parole. Les mots cherchent un passage, s’ouvrent sur des éclats de rire, des éclaboussures, des mûres inaccessibles, des genoux écorchés. Les images défilent, à toute allure. Tout y est, intact, la couleur des bicyclettes, la moiteur de l'air, la pente exacte de la route, ses courbes, ses nids de poule, la longue descente, un peu plus loin, à l'ombre des platanes, vertigineuse, l'ombre au retour, qui ne parvient pas à nous rafraîchir, la dernière côte, les derniers mètres...
Les mots que j’ai cueillis à la volée, montent l’escalier, quatre à quatre. J’ai hâte de les voir sur la page, battre la chamade. J’ai peur de les perdre, de perdre ce battement là, le temps de mettre la clé dans la serrure, d’ouvrir la porte, de ré-ouvrir le champs où s’est arrêtée la bataille. Et je les vois, ils se déroulent avec une régularité presque mécanique, ils s’imposent, sous mes doigts, ils se congugent au passé simple, ils ont repris le cours des choses, tout simplement.

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