vendredi 20 mars 2009

des nuages plein la tête

La pièce unique n'était plus qu'une grande boite, remplie de cartons et de meubles repliés, une grande boite blanche avec deux trous ouverts en plein ciel. En dix ans, je ne possédais toujours que des meubles pliants, nomades, avec une intention plus ou moins consciente de ne jamais m'installer tout à fait. Les livres et les papiers avaient pris la plus grande place. Les livres avaient bientôt fait tout le tour de ma chambre, en piles inégales et les papiers sans ordre particulier avaient remplis des boites et des boites, et s'étaient parfois glissés entre les livres. Le plus lourd et le plus fastidieux avait été de les trier, de les ranger, le plus douloureux de retrouver des lettres et des gens oubliés. Jamais je n'aurais imaginé que ce déménagement provoquerait un tel chambardement. J'étais heureuse de partir, je quittais enfin ma chambre de bonne. Mais en repliant tout, il s'agissait aussi de régler les comptes et de faire place nette. Il s'agissait encore d'aller vers l'inconnu, d'aller ailleurs, vers le confort, une certaine idée du confort, tout ce que j'avais rejeté jusqu'ici. Je ne renoncerais pas là-bas à mes meubles nomades, à mes habitudes d'étudiant errant. Je continuerai à vivre à hauteur du sol, avec mes livres et mes carnets à portée de main, avec les fenêtres ouvertes en plein ciel et les nuages dans la tête.
Avec les livres et les papiers, papiers volants, papiers arrachés à quelques carnets, revenaient les histoires, les peines et les regrets. J'avais beau quitter cette chambre sous les toits pour un lieu plus grand, plus clair, j'avais gardé ceci, abandonné cela mais je continuais de trainer avec moi, malgré moi, des souvenirs, des histoires, des morceaux de vie qu'aucune poubelle parviendrait à chasser. Il me fallait refermer des portes, nettoyer dans tous les coins, ne rien omettre, ne rien négliger. Le ménage opérait dedans et dehors. A force d'avoir frotté, j'étais à vif. A force d'avoir trié, jeté, j'étais vidée, épuisée. Tout avait été passé au crible mais les murs parleraient toujours et encore, après moi, chez les prochains locataires, et surtout chez moi, dans les recoins de ma mémoire. En fermant pour la dernière fois cette porte, je fermais tout un pan de ma vie, un pan de mes plus belles années, de mes plus belles histoires. Chacune était revenue une à une avec des lettres, des photos, des cadeaux, tout était là et malgré moi, j'emportais tout, je laissais juste un bout de jeunesse.

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