mercredi 18 mars 2009

Château de sable

Château de sable, le temps des longues vacances, du passé simple et de l'imparfait. Le temps aussi des petites désillusions et des premières leçons. Je me souviens de ce premier château, j'avais mis tout mon coeur, toutes mes forces à construire mon édifice, avec mes seaux et mes pelles, avec mes mains, avec le plus grand soin, je l'avais bâti toute seule et il avait fière allure, mon château avec ses tourelles et son donjon, avec ses meurtrières et ses créneaux. J'étais fière, il me semblait aussi beau, aussi fort que le château que nous avions visité au début de l'été, ce château fort au dessus du lac d'Annecy, perché sur la montagne. Je me voyais déjà dans ces temps lointains, sauvée par des chevaliers au grand coeur, quand je sentis autour de moi une sorte d'agitation. Les gens peu à peu, commençaient à rentrer ou bien allaient s'installer un peu plus haut, pour profiter des derniers rayons du soleil. L'eau commençait à envahir mes douves. C'était magnifique, le château culminait au milieu de l'océan dans la lumière dorée d'une fin d'après-midi. J'admirais mon chef-oeuvre, je n'avais pas encore pris conscience qu'il commençait sérieusement à se désagréger. Les vagues, une à une, venaient mourir sur la face ouest du château et creuser ses fondations, insidieusement. C'est à ce moment là que ma mère cassa d'un coup toutes mes illusions, me sommant de ranger mes affaires et de m'apprêter à partir. "Mais Maman, mon château, j'peux pas le laisser" "Oh tu sais, dit-elle, dans cinq minutes, il ne restera plus rien". Comment avait-elle pu me dire ça, comme ça ? "On reviendra demain, tu en feras d'autres". D'autre, d'autre, mais je n'ai jamais pu en refaire un comme celui là. Celui là, il était géant, grandiose et puis, il abritait mes princes valeureux, mes princesses endormies, mes fées, mes potions magiques, mon avenir prometteur... "Si si ma chérie, on doit partir". Alors oui il m'a fallu renoncer,laisser périr les rêves au fond de l'océan. Il y a bien longtemps que je n'avais pas pensé à l'effet que produit sur moi cet effondrement fatal, j'étais partie la mort dans l'âme, laissant là, à jamais, une part de mon enfance, mais je n'ai jamais oublié le plaisir que j'avais eu à bâtir mon premier château en Espagne.

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